Israël, né en 1930, inspiration d’un homme d’aujourd’hui.
Quel est le lien entre l’intensité de la douleur ressentie et la valeur qu’on donne à la relation perdue ?
Israël à 60 ans. La petite dernière vient de quitter le nid familial. Lui et sa douce sont maintenant libres et sans attache. C’est le temps de vivre le projet de leur vie. Enfin, le bonheur tant attendu depuis des décennies.
Le couple s’installe dans leur propre maison à la campagne. Une petite maison à rénover ensemble tranquillement, un beau petit terrain à s’occuper, une forêt derrière à découvrir, un havre de paix, leur paradis sur Terre.
Chaque samedi, en faisant les courses à Joliette, sa femme se laisse tenter par une plante vivace pour son parterre. Après avoir ciblé l’endroit parfait pour la voir grandir, elle demande à Israël de lui creuser un trou. Et après, « ok, parfait, je m’occupe du reste! » qu’elle lui dit. Israël le sait. Elle aime jardiner. Il se recule pour la regarder faire. Le sourire aux lèvres, c’est le cœur heureux qu’il s’arrête pour profiter de ce moment de bonheur. Voir sa femme épanouie. Leur vie est douce comme de la ouate.
Quelques années sont passées et la vie paisible du couple se brise. La femme d’Israël décède subitement. Rien ne laissait croire à sa mort imminente. C’est le choc de sa vie. L’amour de sa vie est disparue après 35 années de vie commune.
Quelles sont les réactions du corps pour se protéger ?
À ce moment Israël n’existe plus. Son corps est là mais pas lui. Il est englouti dans un vide. Il perd sa femme. Il perd sa vie. Il perd aussi son futur.
Israël est guidé par un pilote automatique. Tout ce qu’il fait c’est parler de sa femme. Parler d’elle sans cesse, à ses proches, à tout le monde. Il a besoin de raconter son histoire, d’honorer sa femme et d’être écouté.
Pour se sentir en vie il a besoin d’exister, de prendre une place et de répéter son histoire. C’est la seule chose qui le tient en vie.
Sans résister, Israël suit son élan sans trop en être conscient sur le moment. Il a besoin de se raconter à de nouvelles personnes. Il se promène dans les centres d’achat et sur les rues. Il s’avance et choisit une personne qui semble disponible. L’oreille attentive et la compassion qu’il reçoit de celle-ci représentent une soupape pour lui. C’est comme si à chaque fois, l’autre prenait une part de sa souffrance et qu’ainsi elle pouvait diminuer. De cette manière il a pu survivre et ne pas lâcher.
Comment se ressourcer en découvrant une force dans cette épreuve ?
Il n’a pas lâché. Il visite sa femme au centre funéraire chaque mois. Debout devant l’urne, il se confie à elle. Il lui raconte les bonnes nouvelles dans la famille ou il lui demande de lui donner du courage, et de continuer à le guider dans son rôle de père.
Israël a réussi à retrouver un sens à sa vie, même s’il y a toujours ce vide à l’intérieur de lui. Aujourd’hui, quand il parle de son histoire, il se compte chanceux d’avoir eu cette belle vie avec cette merveilleuse femme. Il se trouve choyé d’avoir connu l’amour pour de vrai. Il ressent même de la gratitude envers la vie pour ce cadeau. Cette attitude nourrit sa pulsion de vie. Cette ouverture envers lui-même le mène constamment vers de nouvelles idées d’expériences à vivre ou de projet à organiser dans lesquelles il s’engage et réussi à s’émerveiller. Par exemple, il a organisé un rituel à l’approche des fêtes : un souper intime au restaurant en rassemblant ses enfants; Il a décidé de commencer à patiner pour le plaisir et pour la forme; et Il a amené ses enfants en vacances avec lui dans le sud. Israël se crée de beaux moments riches.
Il redécouvre le bonheur, un bonheur différent, mais un bonheur d’aujourd’hui.
Et vous, quels moyens prenez-vous pour nourrir votre pulsion de vie et agrémenter votre vie actuelle ?
Louise Tellier, TRA, Thérapeute en relation d’aidemd